Jean-Claude Ruggirello
« C’était en avril 2004, à Thiers, Le Creux de l’enfer (…). L’exposition rassemblait de nombreux écrans, de différentes tailles, qui donnaient à voir des œuvres vidéo ayant la particularité d’échapper aux représentations dominantes du moment : celles du documentaire, de l’inventaire ou du journal intime. Ici, il s’agissait de vidéos performatives, au sens où elles mettaient en scène, dans un espace complexe, des actions dérisoires, sans but apparent, souvent répétitives et marquées par une sorte d’idiotie mais aussi de pénibilité. (…).
Ce qui intéresse [Jean-Claude Ruggirello], c’est davantage le potentiel qu’a l’image à produire de la sculpture que sa capacité à créer de la narration, de l’imaginaire et qu’il s’est toujours situé du côté de la sculpture. En fouillant davantage, je vis que l’artiste construisait effectivement de nombreuses œuvres en volumes et de toutes dimensions : bustes en céramiques où un fragment a été arraché par morsure, canoë dressé dont l’extrémité supérieure est pliée, voiture et arbre suspendus par des câbles, statuts de chiens cerclés et troués par du fil d’acier, tronc entravé par des prothèses. Un corpus qui rassemble indifféremment des œuvres dessinées, des vidéos ou des objets évoquant ou présentant, le plus souvent, des accidents matériels suscitant, de la part du regardeur, une réponse émotionnelle. Des œuvres affirmant poétiquement la discontinuité des lignes de forces qui parcourent le monde et l’instabilité qui en résultent mais qui citent aussi abondamment l’histoire de l’art et les processus qui l’élaborent. Les intentions et les gestes nécessaires à la sculpture, le médium qui a, certainement, subi le plus de bouleversements dans son histoire contemporaine et qui ne se pratique jamais sans une série de mouvements volontaires de constructions mais aussi de déconstructions ».
Alain Berland, extrait de la monographie
JC Ruggirello, éditions Analogues, 2011