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Vision au Palais de Tokyo

Quelle est la forme de la table ronde ?
Participation du Bureau des Positions à Vision : Recherche en art et en design, Palais de Tokyo, Paris, 15-18 avril 2016.

Sachant que la forme d’une table détermine une certaine distribution des places, mais aussi les modes de circulation de la parole et des regards, le Bureau des positions s’est proposé de prendre les choses au pied de la lettre en demandant : quelles formes peut prendre une table ronde ?

Une table peut-elle être autre chose qu’une invitation à prendre place ? Comment déjouer les jeux de pouvoir qui s’y dessinent? Comment créer des conditions d’écoute et de dialogues inattendus entre différentes langues et langages artistiques ? La fabrication et la manipulation collectives des formes de la table ronde s’inscrivent dans l’un des projets du Bureau des Positions: l’invention d’espaces de déplacement, où rien ni personne n’est à sa place.

Il s’est agi moins de proposer une forme pour qu’une parole puisse advenir, que de construire un dispositif évolutif qui a accueilli, pendant les quatre jours de Vision, les présentations et tables rondes proposées par les différents projets de recherche d’art et de design. Ainsi intervenants et spectateurs ont du s’accommoder de l’organisation de l’espace et de l’équipement conçus par le Bureau des Positions.

Pendant quatre jours, le chœur discordant du Bureau des Positions ponctue le déroulement des journées en annonçant avant chaque table ronde son intitulé. Spectateurs et intervenants ont été invités à prendre place dans un arc de cercle construit avec des centaines de sacs de pomme de terre, des plaques de polystyrène déchirées, et des grosses pierres venues des calanques de Marseille. Formes irrégulières qui font mal aux derrières, odeurs de terre et de pommes de terre, surfaces friables qui se brisent comme une banquise. Ça frotte, ça glisse, ça tombe.

Au centre de la rotonde, un seul micro, suspendu du plafond. Partagé par les intervenants et les membres du public, il déjoue ainsi la hiérarchie entre eux. Le long fil du micro suspendu permet de le faire évoluer dans l’espace. La hauteur du micro était ajustée par un étudiant du Bureau des positions, observateur engagé dans les échanges. Grâce à l’expérience physique du jeu de regards et de lancers, on prend conscience de l’acte de donner et de prendre la parole – d’autant plus que le micro frôle parfois dangereusement le sol, au risque de cogner, de temps à autre, l’un des objets disposés sur son chemin, à la grande frayeur de tous…

Certains se réjouissent de l’informalité du dispositif, d’autres s’en plaignent ; on refusera même parfois de s’asseoir ou de jeter le micro. L’inconfort empêche autant l’assouplissement que la complaisance. Les enseignants et étudiants du Bureau des Positions réorganisent les éléments deux fois par jour, et assurent par leur présence la continuité des évènements. Pendant les entractes, on discute avec les spectateurs, les intervenants, et les organisateurs de Vision et des tables rondes – du câble suspendu qui divise l’écran en deux, des maux de dos, des fins (et de la faim) des pommes de terre, mais aussi de la fonction et de l’efficacité de l’art.