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2017
WU HAO
Je suis Chinois. Je suis en France depuis 5 ans.
Je vis à Marseille depuis 4 ans. Cette ville m’a dès le début de notre histoire commune beaucoup intéressée. J’essaye de la connaître et la comprendre à travers mon travail.
Ces deux dernières années plus spécifiquement, j’expérimente les éléments naturel du territoire et les sensations qui s’y rattachent : la lumière, l’eau (avec la mer), et surtout le vent (le Mistral).
Comme il est très typique de la région, jouer avec lui est pour moi une manière de collaborer avec l’environnement. À la manière d’un artisan, j’ai donc travaillé avec la terre, la glace, les éléments de façon générale mais je me suis au final concentré plus particulièrement sur le vent.
C’est notre histoire que je souhaite raconter. Son titre est Feng, un mot traditionnel chinois composé des idéogrammes « ciel » et « air », qui signifie un grand oiseau qui vole dans le ciel. Feng évoque le bonheur.
Notre histoire dans un premier temps — moi et le vent — parle de la nostalgie, du bercail (chez moi, « Chu »). Je suis chinois mais je me considère plutôt « Chu-nei » — c’est l’ancien nom de ma région, une nation indépendante dans l’histoire de la Chine. Ce nom est composé des termes désignant « petite forêt » et « pied ». Ses habitants sont installés dans de petites forêts qu’ils arpentent à pieds. C’est une contrée riche en plantes, lacs et fleuves mais c’est aussi une terre triste où de nombreuses guerres ont par le passé fait fuir les habitants.
Quand je pense à mon pays et à cette région, c’est un vent très spécial qui me vient. Un vent qui n’est ni froid en hiver ni chaud en été, mais très humide. C’est un vent unique en Chine,très différent du Mistral de Marseille qui est fort comme le Ricard.
Le vent de Chu est timide et mélancolique, peuplé de nuages gris en toutes saisons.
Je peux y sentir l’humidité du vent, la ressentir sur mon corps. Ces odeurs et ces sensations physiques rémanentes m’assaillent à chaque fois qu’un vent me touche, quelque soit le lieu où je me trouve. Le vent emporte le souvenir de mon pays : le vent nostalgique.
Dans un second temps — le vent et moi — notre histoire fait écho à de nombreux poèmes de Chine sur le vent. À l’origine, ce sont des chants destinés à exprimer de manière lyrique des sentiments. La métaphore y est une figure essentielle, elle permet de traduire une émotion à travers un objet, un paysage une histoire, une peinture, une saison, une musique, une guerre, etc. Le vent est une source de métaphores riche de sens. Il est un élément abstrait, employé souvent par le poète pour exprimer la nostalgie, un paysage, une saison, un amour, une guerre, une émotion, une ambiance, un/une ami(e), un travail, un bonheur, une ville, etc.
En découvrant Marseille, je me suis rappelé des poèmes chinois parlant du vent. Le Mistral est un vent insaisissable que j’ai décidé de mettre en poésie pour traduire les émotions que je lui associe et que j’ai également illustrées par des peintures. À travers le Mistral s’exprime ainsi ma vision de Marseille.