Art
2011
Thomas Couderc
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Les vidéos de Thomas Couderc empruntent au cinéma populaire son goût pour des actions ou des situations paroxystiques. Elles se présentent pour la plupart comme des séquences de films d’action et de poursuite dont le seul mouvement serait d’avancer, sauf que des embryons de récit sont à peine amorcés et qu’aucune détente ni explication ne suivra un climax rapidement atteint. Grâce à une pièce comme Le chaos des choses, on saisit que le sens de ces actions cinématographiques compte beaucoup moins que leur dispositif. Il s’agit de faire résonner des moyens succincts et de montrer combien l’intensité dramatique dépend d’indices élémentaires. L’aspect thriller ou science-fiction de ces séquences n’est pourtant pas démystifié par l’aveu d’un bricolage ou l’exposé d’un procédé, bien au contraire. Ce dont il est fait l’économie, ce sont les développements.
Une génération saturée d’images et de récits ne garde des anciennes continuités que la ligne de crête. Le contexte et les circonstances sautent. Il n’y a plus d’exposé. De ce point de vue, une vidéo comme Full se suffit. L’épisode est cinématographique mais se suffit dans sa litote ou son épure. Une proue avance, une étrave fend la mer puis se retourne vers un horizon rempli d’une armada de porte-conteneurs dont le principal ressemble à une étrange citadelle. Dès l’étrangeté repérée, la caméra bascule. Dès le danger enregistré, l’action prend fin, comme pour souligner son caractère fatal. Un coup de zoom et il est déjà trop tard. C’est une vidéo de la fuite et de l’urgence. Elle est cinématographique par son état d’insurrection sensorielle. La vidéo de Thomas Couderc est physique. Elle est à la lisière d’une expérience de l’épuisement. À ce sujet, Le vallon est exemplaire. Il en faut, de l’adrénaline, pour qu’un corps traîné développe un paysage. Avec Full, c’est la deuxième fois que le paysage recèle une atmosphère de danger et de crime. La matière sonore est myope. On est tout proche, dans la vague ou dans l’herbe, dans le ronron du moteur. On ne sait pas pourquoi on est toujours propulsé. Cela semble inexorable. Filmer, c’est être embarqué, dépassé et convoquer la foudre.
Frédéric Valabrègue – décembre 2011