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Diplômés

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Sans titre, (série Plongeoir) 2010-2011 Toile acrylique et huile, 180 x 300 cm
  • Art

  • 2011

Sinyoung Park

« L’acte de voir et celui d’avoir des visions sont les deux moments d’un même processus : la fabrication des images. » (Alessandro Mercuri, Kafka Cola, 2008)

Afin d’esquisser ce qui est mon histoire, ma pratique de peinture se situait dans un héritage de l’art traditionnel coréen profondément enraciné dans une esthétique orientale. L’utilisation de la ligne est primordiale, l’énergie est représentée dans le geste, d’une manière proche de la calligraphie. Je peignais des compositions de lignes sans couleurs, je dessinais et j’écrivais littéralement avec des pinceaux.

Mes travaux récents se fondent sur un autre «écriture» picturale. Les motifs de carreaux et de cloisons sont des répétitions sur la toile. J’humanise les lieux représentés par des jeux sensibles de couleurs ou d’irrégularités. Mais ils répondent à une ligne picturale définie et n’en sortent pas, une matière lisse, une surface plate comme une image, des formes en voie d’abstraction. Si le motif est commun, une double vision différente se construit à l’intérieur de chaque tableau. Il n’y a ni origine ni fin, les espaces peuvent s’agrandir à travers un espace mental. Ils sont la parcelle d’un tout. Le plongeoir est un objet plastique sculptural, voire totémique, et glisse par la peinture dans un sujet polysémique et métaphysique. Il symbolise l’image existentielle d’une continuation, d’un cycle qui ne se brise pas, une architecture faite par l’homme qui met en œuvre les forces d’une triple attraction : pour le ciel, pour le vide, et pour la terre. Il n’est pas un lieu où l’on reste : on monte, on saute, on chute, on recommence. L’idée-même de la création.

Les structures sont nettes, et même si elles sont très présentes, elles sont vouées à disparaître dans le seul plan de l’image, comme évidée détail après détail de leur contexte. Dans un effacement de traces, de perte d’informations, de distance avec toute narration, dans un mouvement régulier de déréalisation, une translation générique s’opère sur la visibilité. La figuration se construit alors tout en se détruisant, où le fond devient la forme et inversement. Il n’en reste qu’une sorte de préfiguration. La forêt, le paysage demeurent comme des traces de sentiments, comme des résonances scopiques, comme des preuves d’une investigation formelle. Ils deviennent des traces de pensées, des moments imaginés. À l’origine modèle, le paysage passe par une conversion modélisée, une « architecture intérieure de la surface ». Tout est en place pour exprimer un nouvel espace plus analytique dans le tableau, un lieu qui n’existe que sur la toile.

Je suis pourtant dominée par la peinture. Le format est plus grand que ma vue. Je dois lever ma tête. L’image dépasse mon idée, elle s’empare de mes percepts, de mon corps. La peinture est en deçà et au-delà du regard, elle impose une autre manière de voir que l’expérience directe du réel ou l’illusion d’un monde extérieur. Dans l’espace qui ne voit pas la fin. Dans une poétique de l’œuvre. Le plaisir de jouer avec l’instinct.

(Texte extrait du catalogue des diplômés de 2011)