SANDRINE OZEROV

Une multitude de voix échappées de quelques bouches imprudentes se font entendre ici et là, à qui veut bien tendre l’oreille. Ce sont des paroles en l’air, des pensées intimes, des récits sans queue ni tête ou encore un discours prononcé ailleurs, à une autre époque.

Ma recherche plastique tourne autour des mécanismes de la pensée, du rapport au réel, ainsi que des relations qui peuvent y avoir entre l’écriture et l’oralité. Dans la réalisation de mes différents projets, je porte un intérêt particulier à la voix humaine, à la parole et aux différentes formes d’interactions, que ce soient des conversations, des dialogues ou encore des monologues. Il s’agit de saisir des pensées personnelles et intimes, de révéler les interactions entre les protagonistes, ce qui se dit et la façon de le dire ou, même parfois, de gommer le caractère vivant de la parole.

Ma pratique plastique comprend à la fois la rédaction d’autofictions ainsi que la composition de pièces sonores. Les textes sont rédigés à partir de journaux intimes ou d’atelier ainsi que de retranscription de témoignages et de paroles saisies sur le vif. Ces textes originaux peuvent ensuite être édités, utilisés dans des pièces sonores, ou lus lors de performances publiques. Concernant la composition sonore, j’enregistre des sons anecdotiques, des ambiances sonores et des voix humaines qui sont issues de recueils de témoignages de personnes volontaires, d’archives sonores de paroles de personnalités publiques ou d’enregistrements de ma propre voix (improvisation ou lecture). Avec cette matière sonore, je compose des pièces qui pourront prendre plusieurs destinations. Cela peut être dans le cadre d’un concert de musique électroacoustique (interprétation sur acousmonium), pour une diffusion radiophonique, pour la réalisation d’installations sonores in situ sur haut-parleurs ou pour une édition originale combinant texte et pièce sonore. Les enregistrements sonores et l’écriture permettent de capter et de fixer la parole et les pensées, qui ont un caractère mouvant et instable, non pas avec l’intention de les figer mais afin de les révéler, qu’ils prennent corps.

À travers la réalisation de mes projets plastiques, je questionne l’expérience subjective, et plus précisément ce qu’une situation, en apparence anodine et insignifiante, provoque au niveau cognitif, et ce que cette perception subjective construit comme rapport au réel. La part subjective de l’expérience humaine me fascine, car elle me semble constituer une partie importante du rapport au monde que chaque individu élabore au fil de son existence. Le langage verbal et non verbal qu’il soit oral ou écrit, me paraît être un vecteur de cette vision subjective marquant à la fois la singularité de l’individu et son attachement à un collectif. Ainsi, à travers le récit d’une expérience personnelle, chacun donne du sens à ce qu’il a vécu et ressenti en construisant des fictions, qui sont autant de nouvelles réalités. Cela implique aussi la façon dont chacun se met en scène ou met en scène sa propre vie, ainsi que le rôle, réel ou fantasmé, qu’il a pu jouer dans différents contextes et situations.