Design
2009
Pierre-Alain Caille
Un monde suspendu entre le neuf et le déchet
Processus de production d’assises in situ : mélange de fripes et de résine mécaniquement coulé en tas par-dessus une coque Eames via un tuyau d’injection (ceux-ci ne sont enlevés qu’après polymérisation). Nature des fripes, effectif de production selon commande.
À l’origine militaire, les Eames innovèrent en utilisant la technique de composite résine/fibre de verre pour la série « Fiberglass Chairs ». Les assises sont les objets sur lesquels on se décharge de la contrainte du corps et garde la stature verticale : la posture optimise l’activité cérébrale et relationnelle. Le vêtement, système social par excellence, et son entassement appellent la quantité des signes conventionnels de représentation du corps et de l’individu, et la fréquence de leur utilisation. Ce procédé de fabrication en série par entassement de vêtements évoque la systématisation, répétitive, codifiée, du social et du quotidien. Le pied est significatif de la mécanisation du procédé : résultant d’un canal d’injection qu’implique toute technique de fonte ou de moulage industrielle.
Irréversible et agglomérant, le procédé ne produit que du déchet : l’assise apparaît une fois le tas renversé. La technique employée vient en contradiction avec l’éthique écologique actuelle, dont les moyens ne peuvent gérer ces résines issues du pétrole. Cet or noir restera symbolique de notre époque et recouvre alors tout de notre identité et de notre quotidien. Des objets d’aujourd’hui il ne resterait que cette culture où l’entassement donne forme, le rejet la matière, l’économie la nécessité de production, et le déchet l’objet. L’avenir n’est donc plus compromis par une « simple » guerre froide, mais par l’improbabilité de contrer l’héritage d’une tradition industrielle et capitaliste, constitutive de nos cultures et économie mondialisées.
(Texte extrait du catalogue des diplômés de 2009)