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Sans titre, 2011 Aquarelle et encres sur papier, 205 x 112 cm
  • Art

  • 2011

Noémie Sonck

D’images d’images (un dessein de la peinture)

« Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation. » (Guy Debord, La société du spectacle, 1967)

« Ainsi la peinture n’est jamais à propos d’elle-même : elle est toujours l’Interprétant, la mise en œuvre d’une autre technique et d’une autre logique. » (Cyril Jarton, catalogue Troublespot. Painting, 1999)

Suivant l’hypothèse d’un monde d’images et une époque de la visibilité, peindre d’après le réel consisterait aujourd’hui à peindre d’après photo. À condition de vivre à l’intérieur d’une caverne platonicienne, d’une fiction esthétique où la photographie incarnerait une ombre moderniste exemplaire, voir le monde consisterait à en détourner le regard dans une représentation utopique de l’image, où l’original est le double, un jeu de réflexions et de reproductions entre différentes natures d’écrans qui remplirait le réel autant que les imaginaires.

L’artiste Noémie Sonck retourne ainsi cette image d’un monde d’images à travers son travail pictural où l’imagier se dédouble en auteur d’images imaginées. Elle fait œuvre d’un jeu hybride – la confrontation entre deux types de réalité (le réel / l’image) et la forme particulière de résistance de chacune qui se dessine entre les genres, les pratiques et les médiums. Son univers plastique s’approprie cet accroissement iconique de la réalité, ces « branchements sur la circulation indéfinie des images »

(Michel Foucault), là où le monde réel se change en vision du monde, et dans sa mise à plat, invite à voir à travers les effets de l’art un visage double du monde à la fois réaliste et poétique, et affiche une esthétique à double fond à la fois photogénique et « causa mentale ».

La photographie en tant que modèle référent redevient un « art moyen » (Bourdieu), une image mécanique douée d’usage recomposée au regard de la peinture « délestée de son encombrant châssis » avec les outils du dessin. Les sources hétérogènes des documents choisis, personnels et récupérés, s’inscrivent dans cette continuité subjectivité / objectivité.

La chimère de la vraie image sort du tableau et parle un autre langage. Encre et aquarelle sont l’alchimie du révélateur dans une manière légère et rapide. Elles dispersent les sujets photographiques dans une couleur liquide qui transfigure l’image sur une autre forme de sensibilité à la lumière. Ce « filtre » – touche du peintre / retouche d’image – applique aux motifs une couche d’aura qui imprègne littéralement le papier jusqu’à son jus final. Contorsions et contusions d’un singulier jeu de dé-figuration, complexe d’apparitions et d’effacements, il intègre une distance irréductible avec le réel à la manière d’une abstraction normative qui vient cadrer, et révéler peut-être, une réalité plus subjective et irrationnelle.

« La chose a été là » disait Roland Barthes dans La chambre claire (1980), et dans les œuvres picturales de Noémie Sonck, elle est doublement là.

Luc Jeand’heur, novembre 2011