Art
2012
Michel Ange Dié Kouassi
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La sculpture : une histoire matérialisée J’aime la sculpture.
J’aime les matériaux qui la constituent. La sculpture prend forme à travers tout un processus, depuis la pensée de l’artiste jusqu’à la matérialisation finale. Au-delà de la représentation formelle de l’œuvre, une histoire qui transcende la matière.
Ma conception de la sculpture a évolué au fil des années me conduisant à incorporer en écho dans mes œuvres une part autobiographique de plus en plus significative. Il me tient néanmoins à cœur que mes créations originales conservent une part de tradition qui se confrontent aux expériences des matériaux, des médiums comme l’installation, la performance, l’art vidéo ou encore la photographie acquises à l’école des beaux-arts de Marseille. Sculpter y affirmait alors plus qu’un savoir-faire, une totalité de choix, de gestes, de savoirs et de positions indissociables. Cela m’a inspiré une photographie hommage dans laquelle je rejoue une scène traditionnelle en pays Akan ou on voit une famille royale habillée en tenue d’apparat. Le roi placé au centre porte la coiffe royale Akan, originellement confectionnée de figurines en or, reproduites à base de feuilles dorées. Il porte également un grand pagne traditionnel : Kinté, une paire de chaussures : Abodjé, ainsi qu’une panoplie d’accessoires : collier, bague et bracelet. Les quatre filles qui le ceignent portent des pagnes imprimés, vêtements très prisés en Côte d’Ivoire et des colliers. J’ai refabriqué les attributs de l’homme en matériaux locaux : perles en argile cuite et chaussures en carton et argile. Cette image esquisse le rêve d’un monde différent. Le roi, c’est moi, et pourtant, indépendamment des relations qui jalonnent mon parcours social et artistique, les frustrations et autres écœurements restent présents.
Mes travaux les plus récents intègrent d’autres récits autobiographiques dans d’autres histoires qu’ils formalisent. La marche irréversible expose au spectateur une allégorie de l’indétermination des déplacements de l’individu dans le monde. Jamais je n’aurais pensé un jour me retrouver en Europe, me confronter aux pratiques artistiques et rencontrer des hommes du monde entier.
Rapport de conscience donne corps à une métaphore analogue. L’être humain est comme un pion qui bouge sans avoir conscience de son dessein. Les frustrations, les amitiés, les envies et les blocages sont autant de sentiments paradoxaux qui unissent les hommes autant qu’ils les opposent. Il s’agit de déconstruire un damier, y placer des symboles du monde, changer les règles et suivre le mouvement des éléments. Il m’est arrivé d’éprouver cette sensation intime et éthique de l’étranger qui évolue dans un manège social et culturel y compris un jeu artistique — dont il ne maîtrise pas les règles.
Tout cela est mon histoire, celle que je transmets à ma façon singulière à travers mes pièces mais au-delà du récit sensible et de la parabole de ces fragments d’autoportrait, leur contemplation offre au spectateur la liberté de se forger lui-même ses propres histoires.
(Texte extrait du catalogue des diplômés de 2012)