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Pacifiste(s), 2010. Figurines de soldat, dimensions variables
  • Art

  • 2010

Masaki Watanabe

rocking-world

« L’art de profiter du près et du loin consiste à tenir l’ennemi éloigné du lieu que vous aurez choisi pour votre campement, et de tous les postes qui vous paraîtront de quelque conséquence. Il consiste à éloigner de l’ennemi tout ce qui pourrait lui être avantageux, et à rapprocher de vous tout ce dont vous pourrez tirer quelque avantage. Il consiste ensuite à vous tenir continuellement sur vos gardes pour n’être pas surpris, et à veiller sans cesse pour épier le moment de surprendre votre adversaire. »

Sun Tzu, L’Art de la Guerre, Ve siècle av. J.-C., traduction du père Amiot, 1772

L’image tourne, l’objet se détourne, le regard se retourne, il n’y a plus de bon sens. Renverser la perspective, renverser les échelles, renverser la normalité, renverser la figure humaine, renverser la plastique des corps, renverser le monde, artistiquement parlant, à leurs antipodes.

Les figurines miniatures confrontent et combinent deux types de scénarii esthétiques. Le premier joue sur le mélange des genres, entre « l’illustrateur en volume » du modélisme et le sculpteur. Des petits soldats engagent un singulier jeu de stratégie « wartgames » (Pacifiste(s) – 2010), ou d’autres situations de tactiques expérimentales et manœuvres plastiques. Le second scénario est clairement photographique. La prise de vue joue la disproportion entre le gros plan et le rapport de grandissement. Face à un alter-ego plastique et symbolique, on se demande s’il s’agit d’un agrandissement ou au contraire, si on a rapetissé.

Les séries de micro-représentations du réel dépeignent par saynètes un jeu de société des « gens ». L’artifice saute rapidement au yeux. Les modèles réduits ne sont jamais la miniaturisation exacte de ce qu’ils tentent de représenter. Les imperfections sont autant d’indices qui nous font douter de ce que cette composition voudrait nous faire croire. Le mimétisme de ces micro-narrations, sous ses airs de réel improbable, recrée des portraits de notre monde dans une singulière imagerie d’Epinal, où l’humanité construite selon des principes artificiels de cohérence et de collectivité, révèle son épaisseur de « rôle » et de figurines. Cette introspection minutieuse, spirituelle et désenchantée, se révèle dans un espace-image propre à Masaki Watanabe où « Le monde est petit », c’est vrai, mais plus comme on croyait le penser.

Luc Jeand’heur, 2010