Art
2011
Juliette Déjoué
« J’aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d’église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l’enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs. Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n’a pas de relations, républiques sans histoires, guerres de religions étouffées, révolutions de mœurs, déplacements de races et de continents, je croyais à tous les enchantements. (…)
Je devins un opéra fabuleux : je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur : l’action n’est pas la vie, mais une façon de gâcher quelque force, un énervement. La morale est la faiblesse de la cervelle. À chaque être plusieurs autres vies me semblaient dues. Ce monsieur ne sait pas ce qu’il fait : il est un ange. Cette famille est une nichée de chiens. Devant plusieurs hommes, je causai tout haut avec un moment d’une de leurs autres vies. – Ainsi j’ai aimé un porc. »
Arthur Rimbaud, L’Alchimie du Verbe, 2ème temps des Délires, Une Saison en Enfer.