Design
2009
Carla Schertel & Camilo Nino
Liens
Concepts – Expériences
Nous avons créé le Mouvement Ephémère, duo/collectif de chercheurs-créateurs intéressé par le design en tant que lieu d‘expérimentation et d’implémentation des pratiques et usages. ME s’intéresse au design qui évolue côte-à- côté avec les technologies numériques, les innovations scientifiques et esthétiques, en créant des spéculations, des possibilités et du débat. Nous nous intéressons au corps, à la ville et aux interactions qu’on peut imaginer entre eux. ME rêve d’une ville plus interactive, où les objets et les espaces répondent à nos envies. Une ville que l’on peut manipuler de façon plus intuitive. Ce carrefour d’intérêts nous a conduit à développer une méthode de création et, à travers elle, tout un univers. Nous vivons une époque où les technologies numériques génèrent un monde multimédia. L’espace « traditionnel » se trouve confronté à un espace dématérialisé et le temps linéaire du récit se frotte aux temps décalés. Cette observation et les concepts de Christine Buci-Glucksman dans son livre L’ESTHÉTIQUE DE L’ÉPHÉMÈRE nous ont apporté notre source première d’inspiration : le corps.
Nos vidéos d’expérimentations essaient de formaliser ce monde de plus en plus fluctuant. Les mouvements y sont matérialisés comme si des capteurs étaient liés à chaque extrémité du corps. Les membres deviennent des pinceaux. L’œuvre sort de la toile. L’espace est considéré comme une interface interactive et transformable et le cube comme la représentation d’une forme élémentaire. Ce même cube peut être formé de modules en montrant que l’on peut imaginer et maîtriser l’espace qui nous entoure.
Notre Méthode de création
Notre méthode de création consiste à envisager l’espace comme une interface interactive et transformable à partir des mouvements du corps. Elle génère des formes déterminées par un désir individuel ou collectif : soit par le biais des déplacements d’un groupe dans le milieu urbain, soit par les gestes simples d’un individu dans l’espace domestique. C’est un mouvement continu où le corps devient la clef de toute construction conceptuelle et créative et où le physique et le numérique s’imbriquent et se contaminent.
La Masse et l’utopie de la matière
Aujourd’hui, la science et la fiction marchent ensemble. Les nanotechnologies et les technologies numériques existantes interpellent l’imagination de tous, inspirent et donnent des possibilités aux designers. Selon l’hypothèse que dans un futur proche chaque module (que nous appelons particules) de la matière pourra être équipé d’une puce ou d’intelligence artificielle, le matériel de la ville du futur sera transformable et abordable de façon intuitive. Dans cet esprit, nous ne pensons plus aux objets hétéroclites, mais à une masse unique et transformable en fonction des souhaits des individus et de leurs mouvements. L’objet n’est plus que la réponse aux besoins. La forme est libre, éphémère, libérée de son passé soumis aux anciennes conceptions. Nous partons de cette hypothèse pour mieux appréhender, recenser, repérer aujourd’hui des impacts plastiques et sociaux qui existent déjà à un degré moindre dans des dispositifs réalisables. En imaginant cette matière fluide, entièrement commandé par le corps et ses mouvements, nous avons substitué la structure d’une table normale par une structure souple et interactive, qu’on appelle La Masse.
Objets
Dans cette recherche, ce sont les mouvements du corps et non pas une fonction qui génèrent la forme de l’objet. Nous sommes arrivés à une étape de la recherche où la matérialisation des objets nous a été nécessaire pour comprendre comment un objet personnalisé peut être interprété (vidéo et suivi du dessin 3D et ensuite, construction de l’objet obtenu avec les mouvements du corps). Les fonctions peuvent êtres rajoutés par des usagers a posteriori. Dans un futur proche, le prototypage rapide rendra possible économiquement la matérialisation des objets produits par des moyens numériques.
Spéculations
Notre recherche passe par l’application de notre méthode de création pour générer ce qu’on appelle les spéculations. Elles peuvent prendre plusieurs dimensions dans des champs diversifiés tels que l’espace publique, l’espace individuel, les objets et encore le graphisme. D’un seul geste, on peut obtenir plusieurs rendus différents. Une forme de base est crée et le corps la gère à sa manière.
Abribus
En choisissant de traiter un abribus, nous réfléchissons aux problèmes d’interaction entre l’homme et le milieu urbain en parlant de la mobilité et du changement. Nous avons en ville un besoin de transports en commun et nous attendons aussi de l’espace public qu’il nous ménage des espaces dédiés plus directement à l’individualité. Notre abribus est donc transformable. Les sources de la modification de l’espace peuvent être les mouvements du corps (un changement de position, un geste, un déplacement), le flux humain (ex : la structure s’agrandit quand plus de deux personnes sont présentes sous l’abri) et les conditions climatiques (la toiture peut s’élargir, se tourner sous un autre angle ou changer d’opacité). Le principe général consiste à utiliser un système qui lit la situation dans l’espace en temps réel : des coordonnées de trajectoire (la grille de déplacement des usagers, les itinéraires), la vitesse de déplacement. La création de formes (la toiture, la totalité de la structure de l’abribus) se base sur le traitement des données numériques reçues par l’objet. Il en résulte une transformation de sa surface. Toutes les métamorphoses du volume s’opèrent en temps réel. La forme évolue et disparaît en même temps car il n’existe plus de forme fixe.
Cwbe, cellule d’habitation
Ce projet propose de repenser l’espace et les objets en détachant leurs formes de leur fonction. Cette cellule d’habitation est composée de modules cubiques, qui, grâce aux mouvements volontaires de la personne, bougent pour déconstruire et reconstruire un nouveau lieu (formes, couleurs, textures etc.). En poussant et en tirant les modules, l’individu donne forme aux éléments de sa cellule, tels que le lit, le bureau ou la table basse. Cet espace vise à offrir une réponse à l’ensemble des besoins et désirs de l’individu et peut être, à cet effet, en perpétuel changement. C’est-à-dire un environnement éphémère. La cellule d’habitation devient l’image-même de la personne qui le façonne, l’empreinte de son désir, un miroir de sa personnalité ou de son humeur. L’espace a priori neutre peut devenir plus personnel.
Typo ME
Le Mouvement Ephémère utilise dans la plupart des cas les outils numériques pour créer des formes, des objets et des espaces qui auraient lieu en dehors de l’écran. Nous souhaitions cette fois appliquer notre méthode de création à partir du mouvement du corps pour la production d’une typographie gérée par des moyens du design graphique qui montre qu’elle est applicable également dans ce domaine. La danseuse modifie notre typographie modulaire préétablie pour obtenir une typo modelée selon ses mouvements. L’alphabet est ensuite créé à partir des vidéos d’observations. Cette typo sera bientôt téléchargeable sur le site du Mouvement Ephémère en format .ttf (truetype).
ME
Mouvement Ephémère, collectif brésilo-colombien : Carla Schertel et Camilo Nino. « Notre Réel 2009 » est visible sur www.mouvementephemere.com