Art
2007
Boris Chouvellon
Mon champ d’exploration se situe à la limite de l’espace urbain et sa périphérie (territoriale, sociale, et humaine). Avec une pratique de la déambulation, je navigue (à pied, en voiture, en train) dans des espaces frontières (voies périphériques, autoroutes, littoraux, cours d’eau). Je tente de reproduire une représentation de la ruine moderne ou se greffe aussi bien zones agricoles, industrielles, commerciales, et zones de construction à l’abandon, oubliées. Tous ces états du monde contemporain sont documentés, photographiés, enregistrés, filmés. Ma méthode de travail consiste à prélever dans le monde réel des objets, des formes, des impressions que je transforme ensuite dans l’espace de l’atelier.
Mon but est d’opérer des déplacements et des déconnexions qui en même temps qu’ils amènent des fragments du monde vers une dimension imaginaire en révèlent aussi l’état. Ce processus est à chaque fois une expérience tendue, sur le fil du rasoir, proche du déséquilibre où je tente d’éviter l’enfermement qu’engendre la répétition des formes, des motifs et de la maîtrise. Pour cela, je m’impose des protocoles de travail qui produisent l’épuisement physique, à la limite de la saturation du dégoût, alors que je suis dans la phase de production de mes œuvres.
Un acte simple, iconoclaste. Détruire une marchandise symbolisant un rituel. La fête religieuse de Pâques avec ses offrandes. Le chocolat recouvert de l’or symbolisant l’espace sacré, la voûte céleste, notamment dans les mosaïques chrétiennes de la fin de l’antiquité et du début du Moyen–Âge, dans la peinture des primitifs italiens. Cet or qui avant que l’art ne devienne une monnaie d’échange de prestige à la Renaissance est encore le premier des présents que se font les princes entre eux.
Une alchimie inversée : au temps où art, science et religion ne font qu’un, tous les hommes lettrés cherchent la formule pour transformer une matière vile en or. Les œufs dorés se transforment en une trace marron. Là l’or se transforme en merde, en boue.
Une action qui tient également du geste pictural. Le rouleau compresseur écrase le chocolat tel un artiste broie ses pigments pour les introduire avec des liants dans les composants de sa matière picturale. Le résultat tient du « all over » avec une dispersion et un éclatement du motif où fond et forme ne forment plus qu’un jusqu’à pouvoir dépasser les bords d’un espace placé au sol.
Un ouvrier est détourné de son travail habituel, faire des routes, pour une action futile et incongrue.
Un geste ridicule où une énorme machine, issue du monde du travail du chantier, de l’aménagement du territoire, est détournée pour servir à une pratique artistique. Le contraste entre le gros rouleau et les œufs fragiles en rajoute encore à cette situation. Les œufs prêts à fondre au soleil sont écrasés avant que l’action naturelle ne fasse son effet et explosent sous le poids de cette nouvelle « broyeuse de chocolat ».
(Texte extrait du catalogue des diplômés de 2007)