Art
2010
Bo Pang
Prendre des photographies est une affaire personnelle. Et si en art rien n’est banal, c’est précisément parce que le banal est lui-même transposé et devient à son tour forme.
Mon travail photographique consiste, non pas à enregistrer des faits indiscutables mais à tenter de « rendre justice » à mon intuition, à ma perception sensible du monde, peut-être aussi à mes projections et mes espoirs. Ce qui ne veut pas dire que je ne me soucie pas de vérité.
Plusieurs années passées dans un pays étranger m’ont fait apparaître un « nouveau monde ». Tout était si étrange et différent de ce que j’avais connu jusque-là. Cette confrontation m’a renvoyé à moi-même. L’isolement que je vivais a agi comme un révélateur. Ce fut pour moi une étape importante de ma vie, celle de la prise de conscience qu’un certain nombre de particularités me construisait, certaines provenant de mon éducation et de ma culture, d’autres plus personnelles liées notamment à des souvenirs d’enfance retrouvés grâce à ce retour sur soi que ma situation d’exilée avait provoqué. Un profond changement s’est opéré en moi. La photographie et la vidéo m’ont accompagné et aidé dans ce cheminement.
J’ai peu à peu pris conscience que j’utilisais dans mon travail la dimension métaphorique des images, que ce qui m’intéressait était la puissance d’évocation d’une image, sa capacité à nous entraîner au-delà de ce qu’elle montre de strictement visuel. Je m’attache à faire exister une dimension de récit, un « hors-champ » que celui qui regarde l’image est invité à investir, à combler.
L’« espace du regard » n’est pas un espace physique au sens newtonien du terme, mais un espace mental, relatif, poétique. Mon espace de vie a changé. Mon « espace de regard » s’est également déplacé. A travers mon propre travail, je ne cesse de le rechercher, de le représenter.
(Texte extrait du catalogue des diplômés de 2010)