Design
2009
Arnold Degiovanni
Un certain érotisme intérieur
« Le lit, mon ami, c’est toute notre vie. C’est là qu’on naît, c’est là qu’on aime, c’est là qu’on meurt.»
[ Le Lit, Guy de Maupassant, 1882 ]
Ou c’est là qu’on s’y ennuie… Et que l’écrin trop évident de nos ébats s’étrique… Cela relève presque d’une lapalissade, mais nos lieux de vie sont aussi des lieux de sexualité. Quand le plumard s’essouffle, quand l’occasion se présente, nos ébats s’aventurent naturellement hors de la chambre à coucher et nos intérieurs s’improvisent en baiso{dr}homes.
Le sexe est paradoxalement une affaire intime et particulière qui s’affiche à la une des magazines. Si les designers se sont intéressés aux prothèses à plaisir que sont les sex-toys, nos intérieurs, sphères à la fois publiques et intimes, semblent avoir été délaissés.
Pourtant, dans un élan, nous nous retrouvons sur un coin de table de la cuisine, entre la crème fraîche et les cuisses de dinde – que l’on envisage même d’utiliser… Demain, nous serons sur le tapis du salon, agrippé(e) aux pieds de la table basse devant les excitantes horreurs du 20h, pour enfin atteindre le point climax dans l’escalier. La tête en bas, les jambes en l’air… D’éphémères moments de grâce quotidiens, spontanés ou scénarisés, où en quelque sorte nos intérieurs s’érotisent et sont le théâtre de nos ordinaires petites cochonneries quotidiennes. Où le canapé devient l’accessoire d’une « promotion canapé ». Où les rideaux, avant d’en entreprendre la fulgurante ascension, sont le dernier recours pour s’agripper. Où le coussin se mord de plaisir…
Contrairement aux sex-toys, dissimulés dans nos tables de nuit, mes objets ne répondent pas à des besoins sexuels primordiaux et immédiats. Ce sont davantage des curiosa contemporaines « s’activant » sous l’imaginaire érotique de l’utilisateur par leur double langage et leur double usage. Des objets équivoques, métaphoriques, ambigus, fétichistes et allusifs comme autant de points de départ de nouvelles fictions. Des objets qui s’immiscent, du salon à la cuisine, sans que belle-maman ne s‘en aperçoive et qui confère à nos habitats un certain érotisme intérieur… Reste à définir le menu de ce soir…
Né en 1984, vit et travaille à Marseille au sein de l’Atelier NI
(Texte extrait du catalogue des diplômés de 2009)