Art
2011
Andréa Bellart
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« Vendredi. J’erre dans cette ville qui m’enivre et me fatigue. Ca va vite, trop vite. Je suis ivre, le monde aussi. »
Si l’animation Préambule spasmatik s’écrit à l’origine sur une base d’événements autobiographiques, j’en ai détourné des récits et j’ai réinventé des épisodes. L’action du dessin animé se déroule sur une seule journée, un temps allégorique envisagé comme une représentation de l’existence-même, où je veux rendre compte du non-sens du monde, d’une certaine absurdité de la vie. Tout au long de l’histoire, un personnage erre sans fin. Il divague au cœur d’un univers tourmenté. Il s’agit là de l’ivresse désenchantée du monde. Un monde qui s’accélère, un monde où l’attention et l’écoute ne sont plus au centre des réflexions. Un monde effervescent prêt à exploser.
Les scènes, les plans se martèlent, se succèdent, s’accumulent et se bousculent dans un montage hallucinatoire. Petit à petit se dessine une galerie de personnages qui surviennent de manière frénétique et provoquent progressivement une destruction sauvage. Dans un bouillonnement incessant et organique, une simultanéité d’événements jaillit et éclate dans un chaos de sentiments, d’émotions, d’impressions. Les scènes allumées et mordantes donnent lieu à un espace fantasmatique qui déborde sur une intrigue monstrueuse et tourmentée.
Il ne s’agit pas d’illustrer continûment et passivement le scénario d’une histoire mais par des effets de multiplicité, de mouvance et de répétition, de montrer ma vision de la vie, de ce brouhaha quotidien qui rythme l’existence. Une aventure où tout serait lisible d’un seul coup d’oeil ou d’un seul trait n’est pas dans mes préoccupations. Il ne s’agit pas d’un récit non-linéaire mais plutôt d’un scénario bâti sur une structure de narration chorale qui offre le découpage d’une autre forme de linéarité. Une linéarité déconstruite où se dispersent et se répondent par écho dans le plus grand désordre organisé les épisodes de cette folle journée. La discontinuité épileptique du montage crée alors une pression crescendo et une schizophrénie grandissante embarquant le spectateur dans une violence de plus en plus entêtante.
L’esthétique personnelle du dessin mise en œuvre, spontanée et vive, anti-académique et expressionniste, par son façonnage graphique emprunt de l’esprit frondeur de la Figuration libre invente un style hybride, audiovisuel et pictural, où se mêle le travail de la main (« l’enfance de l’art ») et l’usage de logiciels d’imagerie numérique. Cette manière de faire singulière, faussement « innocente » et décontractée, joue sur les effets d’une palette lumineuse aux couleurs vigoureuses, doublée d’une bande-son nerveuse, souligne le sentiment de cruauté, parfois burlesque, littéralement sensationnel, de cet anti-conte de fée.
Oscillant entre onirisme et réalité, Préambule spasmatik est un voyage. Voyage sans retour « à un moment où le monde s’éprouve, je crois, moins comme une grande vie qui se développerait à travers le temps que comme un réseau qui relie des points et qui entrecroise son écheveau.» (Michel Foucault). Voyage foudroyant qui se déroule au rythme de la vie, au rythme de la pensée. Voyage au cœur de l’humain, névrosé par toutes ces turbulences qui, pris dans le même mouvement de maelstrom, l’enivrent et l’épuisent.
(Texte extrait du catalogue des diplômés de 2011)