Design
2014
Anaël Chauvet
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Un objet est banal lorsqu’il ne prend sens que dans un quotidien matériel non questionné. Or la non remise en question d’un quotidien matériel est un non-sens. Donc l’objet banal est un non-sens à questionner.
Sophisme de l’objet quotidien
L’objet familier n’est aujourd’hui connu que par sa forme, sa fonction et le nom servant à le désigner. Qu’il s’agisse du plus petit ou du plus grand, du moins utile au plus usuel, l’utilisateur lambda ne remet en question aucun de ces éléments.
Transformer l’objet, le rendre critique, porteur de sens nouveau et le rendre non familier, définit ma démarche autour des relations entre langue et objet. Mon travail se fonde sur une décomposition du mot désignant l’objet, et une recomposition où ne subsiste de familier que sa forme archétypale.
Le rébus, l’expression ou l’étymologie, mis en œuvre dans mes créations, me permettent de questionner notre quotidien et ses pratiques, par de nouveaux objets et installations.
Le rébus est un procédé d’écriture qui transforme les mots en phonèmes, puis en images. Ce jeu de langage, que l’on a tous pratiqué dès l’enfance, s’inscrit à l’intérieur d’une langue, dans une logique de visibilité/lisibilité. Le dessin devient “parlant” dans un système où il faut retrouver les “bons” mots. La polysémie de la langue me permet de jouer avec la polymorphie des formes, d’établir une grille de décomposition d’un objet pour pouvoir le recomposer de manière formelle sous de nouvelles productions : les objets rébuesques.
J’emploie l’expression au sens de rendre manifeste par toutes les possibilités du langage, plus particulièrement par celles du langage parlé et écrit, ce que l’on est, pense ou ressent. Rendre littérale l’expression, pour donner à lire une production et s’en servir comme référence à l’expérimentation et à l’innovation. La transformation du langage oral par un objet
de la vie courante met en avant les liaisons possibles entre langue, champ sémantique et pratiques sociales. L’objet ou l’installation produite suggère davantage que sa propre utilité et sa propre forme.
L’étymologie est la science qui a pour objet la recherche de l’origine des mots en suivant leur évolution à partir de l’état le plus anciennement attesté. Au même titre qu’une langue évolue, l’objet suit cette même logique historique tant dans sa forme que dans le mot le désignant.
Le bureau me semble être l’un des mobiliers majeurs en termes de design et de terrain d’expérimentation qui couvre aujourd’hui encore de nombreux usages privés et institutionnels. “bureau”, autrefois appelé “burel”, est un mot provenant d’une toile appelée “bure”, utilisée par les religieux pour la rédaction manuscrite. Par translation d’une matière linguistique à un matériau de conception, le designer permet la transmission d’un savoir et ouvre l’interrogation liée à l’apport d’une toile remplaçant le plateau du bureau. Le mobilier quant à lui, en s’actualisant, permet l’ouverture de nouveaux champs sémantiques sans toutefois dénaturer sa fonction première.
(Texte extrait du catalogue des diplômés de 2014)