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  • Design

  • 2018

AMANDINE GAUBERT

 

Mon expérience de l’habitat est la source de mon intérêt pour le voisinage. Parler de voisinage, c’est traiter de la frontière matérielle et éthique, d’espaces morcelés, de fractures. J’ai remarqué que j’entretenais une relation sensorielle avec mes voisins. Le regard est selon moi le plus intrusif parce qu’il est difficilement limitable, l’horizon est visible jusqu’à cinq kilomètres et la vue transmet plus d’informations que l’ouïe. Il faut noter que c’est majoritairement dans les classes populaires que l’on vit sous le regard du voisin. Entre voisins, on s’observe, on se guette et paradoxalement, on se cache. J’ai axé mes recherches sur les objets et dispositifs tels que des filtres ou des séparations qui questionnent le regard à l’autre dans l’habitat. L’habitat reprend progressivement les codes de l’univers carcéral. On voit naître des paysages de clôtures, de grilles aux fenêtres et de portails démesurés. Les interphones et les systèmes de vidéo surveillance se multiplient. L’habitat d’aujourd’hui tend à se rapprocher des Gated communities. Le contact avec l’extérieur est limité et les échanges entre voisins en pâtissent. En opposition à cette tendance, je souhaite apporter des réponses poétiques à la gêne occasionnée par le voisinage.

J’ai souhaité intervenir sur la cloison -deux pièces côte-à-côte dans un même logement sont la première forme de voisinage. J’ai travaillé sur une interpénétration des espaces en parasitant la cloison par des œilletons. Si transpercer une cloison est à priori un acte transgressif, ma démarche devient poétique grâce au rôle et à la manufacture de « bulles » et leurs caractères aléatoires. Ces filtres colorés permettent de voir une réalité différente, la bulle de verre soufflée au CIRVA* crée une expérience visuelle relative à la forme et à l’épaisseur du matériau. Le verre transforme, déforme le décor/paysage qu’il donne à voir à l’instar d’un rêve ou d’une illusion. Le filtre coloré fait référence au cinéma dans lequel il est utilisé pour traduire une émotion, créer un univers. Ces objets de curiosité créent un scénario qui mêle intimité, sensualité et érotisme. L’emplacement des judas reste à définir par l’utilisateur, ce qui invite au jeu. Les points de vue peuvent être multiples, du ras du sol jusqu’au plafond. La pièce en acier tournée filetée permet d’inverser le sens du judas.

 

*Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques