Art
2011
Adrien Monfleur
Les voir chacune les unes après les autres, et après, ensemble, toutes. Comme pour y voir un seul et même homme. Il les fallait toutes, le « tu », « te », le « il » et « lui », le « moi ».
Parce qu’il m’a semblé le voir une première fois, le regarder même, plutôt l’épier – à cette terrasse bondée par l’autre – à la caisse du Monoprix – à Saint-Charles, descendant les marches – au Champ de mars, à la fermeture – sur la Canebière, courant un soir d’orage. Et à l’Etoile.
Un attrait certain – pour sûr – comme fasciné.
Comme si je ne saisissais toujours pas ses propres agissements – vraiment – avant qu’il ne me regarde, pour que je le lise, partiellement – enfin – il était dans mon lit. Sa beauté m’attirait autant que ses vices – certains – ou plutôt ses multiples passions que je voulais partager – par lui.
Et je voulais le revoir inlassablement – toujours – sans jamais me lasser de le feuilleter – sans jamais le comprendre – par égoïsme pour moi, seul.
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Un corps qu’on aperçoit – entrevoit – qui ne nous dit rien – laisse supposer – imaginer – une probable situation.
Laisser ce corps – le prendre dans son mouvement – même infime – celui qui commence – celui qui finit – jamais dans son entier – rien qui ne nous laisse vraiment croire – ce qu’il fait – ou ne pas le voir – du tout. Mais le regarder – inlassablement – ou pas – ou peu. Le montrer seul – ce corps – dans des endroits qu’on suppose – des lieux habitables – mais qui ne permettent pas l’action – sur le moment – aucune perturbation – autre – notre probable présence – il est seul – le restera – nous sommes sa possibilité de fusion.
Un corps – pour ce qu’il est – un corps – une masse mouvante – un attrait pour – une sorte d’attirance – qu’on protège du temps – un temps.
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Les fesses – le dos – portent au désir de ce qui est caché. Le visage – le devant – c’est ce qui permet l’identification. Une personne de dos – c’est la nuit.
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» Ils sont méconnaissables au dehors, transparents. Ils se transforment par le manque de désir, masqués par la volonté d’être semblables… » Alexandre Bergamini – Retourner l’infâme, 2005