Art
2012
Adèle de Keyser
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La figure humaine que je représentais en peinture n’était plus possible car elle me semblait arrêtée. Le cerne de la silhouette était rassurant mais fixe. Passer de la peinture à la sculpture, c’était entreprendre de contourner le cerne noir. Alors le masque, à la fois image/surface et volume. Un objet biface, une icône orthodoxe. Le jeu du masque dessus dessous, entre cacher et révéler, permet une présence inaliénable de l’objet et préserve en même temps l’idée de la représentation.
Le masque quotidien et le masque carnavalesque se répondent dans une dialectique identitaire. Le regard extérieur s’arrête à la dernière couche humaine. Cette situation du voir se concrétise dans le spectacle. Je mets en scène un décor discordant. Quelque part entre l’avant et l’après du spectacle, un décor, par essence abandonné, dans l’ambiguïté entre construction et déconstruction, un espace en formation ou en train de se déliter. Coulisse ou avant-scène, c’est l’envers du décor. Un derrière des choses, qui sous-entendrait une découverte. Pourtant, pas de surprise, dans ce dessous, ce qu’il y a à percevoir est l’espace vide. Bien que chaque sculpture, des masques aux scènes, soit aux dimensions humaines, en référence au corps, la figure a fuit. On est dans un en-dehors de l’action, un interstice du petit théâtre quotidien, de ce Theatrum Mundi de chacun. Mort à l’image, libérez les prisonniers. C’est une scène de scènes de théâtre qui n’a pas de rapport avec le théâtre. Il n’y a pas d’exposition, le regard nécessaire de L’Autre sur soi est ici nul et non avenu.
Les sculptures invitent à regarder et pointent du doigt, « Là », il y a « Rien » à voir. Mon décor soutient, agrandit, circonscrit les objets reliquats d’un système de spectacularisation extrême : un carnaval glauque. La mollesse des formes, la séduction du velours. C’est un appel à soulever le rideau. Les trois coups résonnent : c’est à vous, c’est à qui ?
Dans l’absence de cet espace se concrétise le sentiment d’être là, présent quand l’installation ne génère que du paradoxe. Parler de regard et d’exposition mais ne pas montrer. Tout faire pour ménager un espace au corps quand il ne viendra pas l’habiter. Supposer une action qui n’aura pas lieu. C’est un lieu hors du vivant.
(Texte extrait du catalogue des diplômés de 2012)